« Je suis Cubain et je viens d’ouvrir un restaurant espagnol avec terrasse »
C’est ainsi que le patron du Casa Hugo contacta le Cigar Social Club courant septembre. Sans réfléchir, nous prenons cette alerte comme une invitation à découvrir une table dont on sait à l’avance que le menu ne sera pas la seule attraction de la soirée. En effet, il est assez rare que le CSC soit contacté pour le lancement d’un restaurant. Allons-nous parler cigare ?
En nous rendant dans son nouvel établissement situé rue Monge, nous n’avions tout simplement aucune idée du concept ou de la carte.
En arrivant au Casa Hugo, on découvre une petite terrasse éclairée par les reflets jaunes du pare-soleil et d’une salle aux lumières parfaitement tamisées.
Le patron nous accueille avec un large sourire et son accent confirme immédiatement ses origines cubaines. On s’installe en terrasse, et le maître des lieux, Hugo, nous rejoint rapidement avec 2 cigares.
Assis à notre table, il commence à nous raconter ses origines cubaines et son départ vers l’Europe pour changer de vie.
Pendant que je l’écoute, j’allume mon cigare et le serveur nous apporte un rhum vieux. A son tour, il se munit des outils habituels et tient à me montrer que pour lui le cigare doit être mouillé aux 2 extrémités avant de le guillotiner. Il coupe son cigare, le retourne, et commence à chauffer lentement l’extrémité de son cigare. Après une dizaine de secondes, il porte aux lèvres sa vitole et l’allume franchement en tirant de larges bouffées.
Nous reprenons nos échanges et Hugo m’explique qu’il fume depuis l’âge de 18 ans. Il s’est initié à ce plaisir au pays, grâce aux employés des manufactures qui cherchaient à revendre les cigares qu’ils percevaient en avantages. Hugo, en tant que local, se fournissait auprès de ces personnes et n’hésitez pas à faire profiter ce bon plan aux nombreux visiteurs de l’île aux cigares.
Il revient à son Cohiba et se plaint d’une sécheresse trop prononcée, ce qui à mon goût était loin d’être le cas. J’en déduis que notre cubain aime les cigares très humides. Il en vient à m’expliquer que selon lui l’humidor est la clé, il doit être bien entretenu, il faut que lorsque l’on ferme ce dernier, le couvercle doit en aucun cas se claquer. Mieux, il doit émettre un souffle qu’il bruite lui même : « wouf ! ».
Un roi, on ne lui coupe jamais la tête, sauf en France !
Quand je l’interroge sur ses cigares préférés, il me rétorque que ce sont les cubains uniquement. Il enchaîne en évoquant quelques marques comme Quai d’Orsay, Partagas, Romeo y Julieta, Bolivar, mais surtout il mentionne des noms dont je n’ai jamais entendu parler et qui sont probablement pas vendus sur le vieux continent.
Pendant que nous échangeons à bâtons rompus sur nos vitoles préférées, le cigare d’Hugo s’éteint et il n’hésite pas à pincer son extrémité afin de faire tomber la cendre refroidie et la tripe encore rougie. Voilà un second geste sûr qui ne manque pas d’attirer mon attention.
Pendant que nous commandons nos plats, il tient à évoquer son incompréhension de l’industrie du cigare. Selon lui la chaîne de valeur du cigare ne respecte aucune logique car un cigare est un produit de luxe vendu très cher partout dans le monde alors que les employés des manufactures sont payés quelques euros (salaire moyen à Cuba = 19€) pour une expertise difficile à acquérir.
Il fait frais dehors, nous décidons de passer à table. Hugo dépose délicatement son module dans le cendrier en prenant soin de ne pas l’écraser comme le ferait un novice. Il nous regarde dans les yeux et nous sort son dicton cubain : » un roi, on ne lui coupe jamais la tête, sauf en France ! ». Nous nous appliquons donc à déposer notre cigare royal le plus délicatement possible.
A table !
Côté restaurant, la décoration est sobre et la lumière tamisée. On s’y sent à l’aise et on commence à suspecter Hugo de sortir de bonnes assiettes. Les photographies de flamenco et les piments accrochés aux crocs de boucher nous rappellent que l’on est bien dans un restaurant espagnol, le pays d’adoption d’Hugo.
Sur la petite carte en papier, le serveur nous explique que tout est soigné et frais. Ceci explique pourquoi la carte n’est pas plastifiée.
Les plats arrivent. D’énormes gambas à la plancha ornent une de nos assiettes et ma plume ibérique est fondante à souhait. Nous terminons par la classique crème catalane exécutée à la perfection. Face à notre enthousiasme devant nos ramequins, Hugo vient carrément nous partager sa recette et ses astuces.
Au moment de l’addition nous sommes tout de même surpris de pouvoir manger aussi bien à ce prix. Il est évident que le Casa Hugo cherche à se faire une place à Paris avec un rapport qualité prix imbattable. Nous paierons moins de 30€ le plat-dessert.
Avec une terrasse par définition ouverte aux fumeurs de cigares, en allant au Casa Hugo, vous prendrez beaucoup de plaisir à revoir vos classiques de la gastronomie espagnole.