Sébastien Astic et Thierry Crépin se connaissent bien. Capitalisant sur de bonnes connaissances des îles de l’océan indien (Madagascar, île Maurice, île de la Réunion), ils se lancent ensemble dans plusieurs petits business, notamment sur l’île de la Réunion, leur petit bout de paradis. De la Boulangerie au Tabac-presse, les affaires marchent bien. Il y a même de quoi s’allumer quelques cigares !
Cette dernière passion les amènera à tout quitter pour essayer d’entreprendre en métropole.
Basés sur l’île de la Réunion, Sébastien et son associé identifie rapidement que les réunionnais ont du mal à s’acheter des cigares de qualité. En effet, en tant que buralistes, ils observent que les commandes auprès des distributeurs de cigares cubains ne sont pas toujours honorées, pire, de nombreux cabinets leur parviennent avec des cigares rongés par les vers.
Les 2 associés ont alors l’idée d’importer des cigares capables de supporter le voyage jusqu’en Réunion et les autres îles de l’océan indien. Ils se rapprochent rapidement de Joya de Nicaragua, le plus emblématique producteur du Nicaragua et dont le procédé de fabrication inclut un passage au froid pour tuer les lasiodermes et leurs oeufs. A l’époque, les 2 chefs d’entreprises sont convaincus que le cigare ne doit plus forcément être cubain (encore sous embargo à l’époque) et que de nombreuses manufactures dominicaines et nicaraguayennes proposent des produits compétitifs.
Les 2 associés sont reçus par Mario Perez, le célèbre directeur commercial de la firme nicaraguayenne. Ce dernier leur explique que malgré la trentaine d’accords de distribution dans le monde, ils ne couvrent ni l’océan indien ni la France. Nos 2 aficionados nouent un partenariat pour distribuer les cigares sur l’île de la Réunion et prennent une option sur la France métropolitaine. Il faut noter qu’à la Réunion la vente de tabac est libre et se fait sans agrément. Pour la France, les 2 associés devront d’abord faire leurs preuves sous le soleil réunionnais.
Un modèle éprouvé à la Réunion
Après avoir conquis ~80% des parts d’un marché mal approvisionné, Sébastien et Thierry se mettent en marche pour attaquer le marché Français. Ce succès rapide leur permettra d’avoir le « go » de leur fournisseur. Avec une exclusivité sur le territoire français, les 2 insulaires sentent le bon coup et vendent maison, voiture et moto pour s’installer en métropole et satisfaire l’exigence du manufacturier : Joya de Nicaragua.
C’est parti, les 2 distributeurs créent la raison sociale « ACOI Manufactures » et commencent à travailler le business plan et le plan marketing. C’est décidé, les cibles seront les civettes et les duty-free.
Après la réflexion vient l’exécution et naturellement, il faut composer avec le complexe système douanier. Leur première étape sera de créer un entrepôt douanier, c’est à dire un local ultra sécurisé avec caméras et blindage et dont la marchandise reste en zone libre de taxe. A force de questionner leurs interlocuteurs à la douane, Sébastien se rend compte que tout n’est pas très clair concernant la caution sur la valeur de la marchandise qui doit être réglée aux douanes.
En effet, ces dernières demandent une caution sur les taxes à percevoir en anticipation des ventes. Face au manque d’information sur le garant de cette caution, Sébastien se rend au bureau des douanes de Toulouse.
« C’est vous le suicidaire ? »
Les mots choisis par le douanier sont cocasses. L’accueil aux douanes est franchement pas chaleureux mais il ne manque pas d’ironie. En plein contexte de « paquet neutre » les douane compatissent mais n’apportent pas toutes les réponses à ses questions. Le personne semble en difficulté face aux nombreuses directives européennes.
Obligé d’escalader jusqu’à Paris, Sébastien termine son pèlerinage réglementaire au ministère de la Santé. Le nouveau problème des distributeurs est devenu le « paquet neutre ». Après quelques contradictions liées au manque de clarté (à l’époque) sur le sujet épineux des boîtes de cigares, Sébastien et Thierry finiront par obtenir la réponse que nous connaissons tous.
Entre temps, la douane envoie directement au Nicaragua, chez Joya de Nicaragua, une facture correspondant aux droits de déclaration. Cette taxe serait due par tous les producteurs étrangers qui exportent en France mais est en réalité une application faite par l’ANSES (agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) d’une directive européenne.
La facture est salée
Pour ses 41 références, il est demandé près de 550€ par référence de cigare pour l’enregistrement puis 120€ x 2 par an et par référence. Ce sont donc près de 23 000€ à débourser pour le fabricant qui n’a pas encore vendu une seule boite de cigare. Les 2 distributeurs s’interrogent et envisagent de financer eux-mêmes cette taxe. Malheureusement, calculs à l’appui, c’est tout le business plan qui se fragilise car il devient impossible de rester compétitif à long terme dans un marché où seul le cubain se vend à bon prix et où la réglementation s’intensifie.
Une déception entrepreneuriale énorme
La complexité logistique, les boîtes de cigares neutres, les droits de déclaration et le manque de perspectives sur notre marché auront eu raison de leur motivation.
Amer, Sébastien Astic, 40 ans, dont 15 ans comme chef d’entreprise « plie bagage » comme il dit. Début avril 2017 il se réinstallera sur l’île de la Réunion pour réfléchir à de nouveaux projets…
« on voulait créer de la valeur en France » martèle-t-il une dernière fois.
Chacun des lecteurs tirera une conclusion différente de cette aventure, selon s’il est entrepreneur, douanier, amateur de cigares cubains, etc.
Après avoir assisté à une présentation du projet Hedon Cigars (le cigare 100% français) nous tenions à partager avec vous cette autre histoire d’Entreprise pour comprendre un peu mieux les coulisses de la distribution de vos cigares tant appréciés.